En 1923, dans La disparition du complexe d’Œdipe, Freud avait conclu, à propos de l’identité sexuelle, que « l’anatomie est le destin ». Or le système discursif actuel a considérablement changé depuis, tant et si bien que les débats sur la liberté de choix qui concernent et l’orientation sexuelle et l’être sexué, se sont multipliés et diversifiés.
Notons en ce sens l’apparition d’un nouveau mouvement, celui des « asexués », désigné par la lettre « A » par les adeptes eux-mêmes, comme pour signifier la privation de leur sexuation. Comme le souligne Jean-Louis Chassaing
[2] Chassaing Jean-Louis (2008). La position du démissionnaire...., ce mouvement né dans les années 2000 semble avoir été créé par un Américain de 23 ans, nommé David Jay. Constitués en une véritable communauté, via Internet, les asexuels forment un groupe d’origine américaine tout d’abord, puis avec une extension britannique et hollandaise. Il s’agit d’un véritable « phénomène » qui entend rassembler, au titre d’une norme et non d’un pathos, des sujets dont l’orientation sexuelle impliquerait l’absence de tout acte sexuel.
La « bagatelle » ne les intéresse pas, précisément parce que la population concernée déclare n’avoir jamais ressenti de désir sexuel envers qui que ce soit. Militants, les asexuels comparent leurs revendications à celles des homosexuels des années 1970, souhaitant par là même être reconnus en une catégorie sexuelle. Leur libido pourtant serait un zéro pointé à l’infini.
Toutefois, il y aurait une grande variété dans la façon de vivre l’asexualité : si certains peuvent éprouver une attraction émotionnelle et non sexuelle envers des personnes, d’autres à l’inverse peuvent en être dépourvus. Ainsi, les asexuels, bien que différents dans leur rapport de vivre l’asexualité, partageraient en commun cette tentative de vivre dans la société « sans être sexuel », et ce, en revendiquant l’idée « de n’avoir aucun problème avec le sexe ».
Il ne s’agit donc pas, d’après leur propos, d’un rejet du sexe, mais d’une absence de désir. De fait, ces sujets seraient-ils libérés du sexe et de ses aléas ? À défaut de pouvoir peut-être répondre à la question d’un engouement passager ou d’une mutation contemporaine réelle, reste à savoir comment, dans le monde post-moderne, s’articulent le corps et l’identité ? L’asexualité est-elle un comportement contemporain de la prévalence et de l’exception de la place du phallus autour duquel s’organise la subjectivité ? Pouvons-nous parler alors d’une nouvelle entité clinique ? Lire la suite
Article parue dans cairn.info par Eléonore PARDO